Aidants : rompre avec l’isolement
Un aidant sur deux déclare se sentir seul et non soutenu moralement. Si la pandémie et les confinements successifs ont accentué cette situation, l’isolement est une problématique structurelle, qui affecte les aidants dans leur quotidien. Quels en sont les facteurs et comment rompre l’engrenage de la solitude ?
Quand le cercle social de l’aidant se réduit
Le temps consacré à l’aide est le premier facteur d’isolement des aidants : 57 % d’entre eux dédient de 1h à 7h par semaine à leur proche, et un tiers d’entre eux (34 %) plus de 8h par semaine. « Je me sens isolée car je n’ai aucun contact social en étant à la maison avec mon fils », témoigne Marie. Chronophage et parfois épuisante, l’aide prend le pas sur les autres activités et espaces de socialisation de l’aidant, notamment le travail. Si la majorité des aidants sont en activité professionnelle, ils sont 46 % à avoir subi un impact sur leur carrière (aménagement des horaires, réduction du temps de travail…) et 10 % d’entre eux ont dû renoncer à travailler. Collègues, famille, amis, voisins : plus les contacts avec l’entourage se raréfient, plus il devient difficile pour l’aidant de tisser des liens. S’enclenche alors un cercle vicieux de l’isolement, comme l’a vécu Murielle : « Partagée entre le travail et l’assistance à mon père, je n’avais plus de temps pour moi (…), je me suis coupée de la société progressivement, mon père est désormais parti, mais je reste dans cet isolement social… ».
Le poids du regard extérieur
« Personne ne comprend ma situation dans la vie de tous les jours » : le témoignage de Murielle révèle une deuxième facteur d’isolement : le regard de l’entourage, qui oscille entre méconnaissance et incompréhension. Selon une étude du CREDOC, les aidants sont ainsi 18 % à se sentir exclus et incompris de leur entourage, soit nettement plus que la moyenne des Français (8 %). La maladie, le handicap et la perte d’autonomie sont en effet des réalités difficiles qui peuvent susciter la peur, la gêne voire le rejet. L’aidant peut ainsi volontairement se couper de son entourage, soit parce qu’il ne souhaite pas être une charge pour les autres, soit pour éviter leur jugement. À l’échelle de la société, l’invisibilité de la réalité des aidants n’arrange pas cette situation : moins d’un Français sur deux (48%) connaît le mot « aidant » et seuls 38 % en connaissent précisément la définition. Parce qu’il a lieu dans le cercle du privé, de l’intime, le travail des aidants est encore trop peu visible et reconnu, accentuant leur solitude.
Collectif Je t’Aide : 10 propositions pour plus d’inclusion
Solutions de répit, groupes de parole : de nombreuses initiatives essaiment sur les territoires pour soutenir les aidants, souvent grâce à la vitalité du tissu associatif. Dans son Plaidoyer 2021, le Collectif je t’Aide appelle les pouvoirs publics à placer les enjeux des aidants au cœur de l’agenda politique. Le Collectif propose 10 mesures pour lutter contre l’isolement des aidants, en agissant autour de 4 priorités : rendre visibles les aidants, mieux les repérer et les accompagner, favoriser leur maintien et leur accès à l’emploi et renforcer le lien social autour d’eux. En particulier, le Plaidoyer souligne l’importance de former les professionnels de santé et du secteur médico-social à l’identification et à l’accompagnement des aidants.
Sortir les aidants de l’ombre et agir pour leur inclusion, c’est enclencher un cercle vertueux bénéfique à l’ensemble de la société.
SOURCES
- Enquête nationale aidants 2020, Ipsos-Macif, 2020.
- Enquête Aidants et Confinement, Ipsos-Macif, juillet 2020.
- Des vies (presque) ordinaires, paroles d’aidants, Blandine Bricka, Éditions de l’Atelier, 2016.
- Collectif Je t’Aide, Plaidoyer 2021
- CREDOC pour la Fondation de France, 10 ans d’observation de l’isolement relationnel : un phénomène en forte progression – Les solitudes en France, édition 2020.
- Les aidants sont les grands oubliés de cette crise, Enquête CIAAF, Juin 2020.
- Baromètre des aidants, Fondation April, 2020.
