Aidants du monde : des enjeux universels

Aidants du monde : des enjeux universels

Être aidant, est-ce la même chose à Paris, à Calcutta et à Tokyo ? Comment sont accompagnés les aidants à travers le monde et quelles inspirations peut-on puiser pour mieux les soutenir en France ?

L’aidance, problématique mondiale

Au-delà des différences culturelles, chaque choix d’endosser un rôle d’aidant résulte d’un mélange de facteurs socio-culturels, économiques et personnels. Si la population des aidants est complexe et plurielle[1], plusieurs caractéristiques communes les rapprochent au niveau mondial. Les aidants sont une population nombreuse mais encore peu visible et étudiée. Au niveau mondial, la part d’aidants dans la population oscille entre 10 et 20 % selon les pays. En Europe, 2 personnes sur 10 sont aidants en moyenne[2]. Ce qui rassemble les aidants, c’est d’abord l’enjeu du vieillissement démographique qui rend leur rôle de plus en plus nécessaire, notamment au Japon, en Allemagne, aux États-Unis, en Chine et en Inde, pays qui rassemblent 48 % des personnes du quatrième âge[3]. Isolement, surmenage, besoin de soutien et de répit, précarité, difficultés à concilier rôle d’aidant et vie professionnelle : ces enjeux sont reportés par tous les aidants, quel que soit le pays. Enfin, les femmes sont plus pourvoyeuses d’aide que les hommes. Selon une étude de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) menée auprès de plus de 10 000 aidants dans 20 pays, les femmes décrivent un fardeau de l’aide plus lourd que les hommes[4].

Les États face aux aidants : 4 approches

Les réponses apportées aux aidants varient fortement d’un pays à l’autre. Une étude comparative internationale[5] classe les pays selon 4 modèles types. Le modèle « socio-démocrate », (Suède, Québec, Danemark…) est le plus généreux envers les aidants. L’État s’y positionne en garant des droits sociaux et propose un panel de services publics et d’aides pour répondre à la perte d’autonomie. Dans le modèle« familialiste » (Italie, Espagne…), le manque d’aides publiques et les valeurs traditionnelles font peser une responsabilité plus lourde sur les épaules des aidants. Au Royaume-Uni (modèle « libéral »), la prise en charge de la dépendance est majoritairement assurée par le marché et financée par les familles, avec un filet de sécurité limité aux plus démunis. Enfin, le Japon et le Pays-Bas sont les ambassadeurs du modèle assurantiel, où la perte d’autonomie est appréhendée comme un risque à anticiper, notamment via les assurances. Et en France ? L’approche hexagonale est hybride, avec un millefeuille complexe d’aides segmentées selon l’âge, la nature et le degré de dépendance et une approche dissociée entre handicap et vieillesse.

Care manager, baluchonnage : des pratiques inspirantes

Certaines initiatives développées dans d’autres pays peuvent nous inspirer pour améliorer la situation des aidants en France. Alors que l’évaluation de la dépendance est souvent très complexe, la Suède ne possède aucune grille. Le niveau d’aide à attribuer à une personne en perte d’autonomie est évalué en nombre d’heures de soutien, ce qui permet au proche aidant d’être indemnisé pour tout ou partie de ces heures. C’est la municipalité au niveau local qui joue le rôle de guichet unique auprès des aidants, avec un « care manager » qui établit le plan d’aide et suit le couple aidant-aidé. La dépendance constitue d’ailleurs 20 % du budget des municipalités. Cette approche locale permet de mieux coordonner les intervenants, de faciliter le soutien aux aidants et d’alléger le poids des démarches administratives. Au Québec, le baluchonnage est une solution de répit de longue durée à domicile qui facilite l’accès au répit pour l’aidant tout en préservant le quotidien du proche. Proposée par l’association Baluchon Alzheimer, cette solution s’est progressivement intégrée au parcours de soins global. Elle est aujourd’hui subventionnée par un programme du ministère de la Santé, avec un reste à charge de seulement 15 dollars par jour pour l’aidant[6].

SOURCES

  • Politiques de soutien à l’autonomie des personnes âgées – quelques comparaisons internationales, Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, Conseil de l’âge, mars 2019.
  • Les proches aidants ou des solidarités en action, Actualité et dossier en santé publique (adsp) n°109, Haut Conseil de la santé publique, décembre 2019.
  • Appréhender le rôle critique que jouent les aidants dans le monde entier, livre blanc et plan d’action, Embracing Carers, 2017.
  • La prise en charge des personnes âgées dépendantes en Europe : le vécu des aidants familiaux, Arnaud Campéon, Blanche Le Bihan-Youinou, et Claude Martin, Vie sociale, vol. 4, no. 4, 2012, pp. 111-127.
  • Comment nos voisins européens gèrent la dépendance des personnes âgées, Solveig Godeluck, lesechos.fr, mars 2019.
  • Global state of caring, International Alliance of Carer Organizations, juin 2021.

[1] Source : La prise en charge des personnes âgées dépendantes en Europe : le vécu des aidants familiaux, Arnaud Campéon, Blanche Le Bihan-Youinou, et Claude Martin, Vie sociale, vol. 4, no. 4, 2012, pp. 111-127.

[2] Source : Global state of caring, International Alliance of Carer Organizations, juin 2021.

[3] Source : Appréhender le rôle critique que jouent les aidants dans le monde entier, livre blanc et plan d’action, Embracing Carers, 2017.

[4] Source : Cross-national differences in the prevalence and correlates of burden among older family caregivers in the WHO World Mental Health (WMH) Surveys, World Health Organization.

[5] Source : Politiques de soutien à l’autonomie des personnes âgées – quelques comparaisons internationales, Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, Conseil de l’âge, mars 2019.

[6] Source : baluchonalzheimer.com