Des vies (presque) ordinaires – Paroles d’aidants

Des vies (presque) ordinaires – Paroles d’aidants

La Macif accompagne les Editions de l’Atelier pour un 1er ouvrage de témoignages

Plusieurs aidants familiaux ont accepté de se livrer. Six récits singuliers pour appréhender des vies (presque) ordinaires. Loin du discours dominant démonstratif et négatif, ce livre révèle l’épaisseur des relations humaines qui se vivent au quotidien. Une invitation pour tous les aidants à se relier et à partager leurs expériences.

Blandine Bricka est allée à la rencontre et à l’écoute de Clotilde et Victor, habitants de Torcy et parents de Caroline, victime d’un accident survenu en mai 2014 ; de Caroline et Nathalie, deux sœurs qui vivent en région parisienne et conjuguent leurs efforts pour s’occuper de leurs parents atteints des maladies d’Alzheimer et de Parkinson ; d’Evelyne, mère de Nicolas, 28 ans, porteur d’un spina-bifida ; mais aussi d’Odile à Paris, mère de Victor, 21 ans, autiste non verbal ; de Michel qui s’occupe de sa femme atteinte de la maladie de Parkinson, ou encore de Marie-Thérèse à Montpellier, ancienne aidante de sa belle mère, puis de sa mère et aujourd’hui membre d’une association de soutien aux aidants…

Au plus près de ce qui se vit, grâce à son écriture tout en pudeur et sensibilité, Blandine Bricka nous raconte leur quotidien souvent semé d’embûches, leur expérience d’aidant et cette réalité d’un vécu bien souvent incompris, ignoré, voire nié. Dans ce livre, aucun voyeurisme ni lamentation, mais bel et bien la force de la réalité des sentiments complexes qui nourrissent la relation si particulière qu’est l’aide à un proche. À la lecture de ces vies (presque) ordinaires, on se retrouve ainsi face à un miroir et on s’interroge sur ces questions qui nous concernent ou nous concerneront tous :

Que faire quand un proche ne peut pas ou ne peut plus vivre de façon autonome ? Fuir ? Demander à d’autres de le prendre en charge ? Être avec elle, avec lui ? L’aider ? Comment concilier son rôle d’aidant avec sa vie professionnelle et personnelle ? À quoi ressemble le quotidien de ceux qui vivent avec un parent, un enfant, un conjoint rendu dépendant du fait de sa maladie, de son handicap, de son âge ? Est-il possible de dépasser la révolte contre le malheur qui surgit sans crier gare ? Où puiser la force de tendre la main à l’autre fragilisé ? Comment la relation avec la personne que l’on aide a-t-est-elle transformée ? Comment se voit-on transformé soi-même ?

Extraits

Clotilde et Victor

Clotilde et Victor sont les parents de Caroline, victime d’un accident survenu en mai

« En fait, je suis avec elle dans une proximité distante. J’aime bien cet oxymore qui décrit ce double rôle que j’ai désormais : je suis à la fois sa maman et celle qui l’aide à avancer. Souvent, j’ai dû prendre du recul, oublier un peu mon rôle de maman et ne pas trop écouter mes sentiments pour pouvoir la pousser à atteindre des objectifs et y trouver une satisfaction qui la valorise. »

Michel

Depuis plusieurs années, Michel s’occupe de sa femme, atteinte de la maladie de Parkinson.

« À partir du moment où j’ai accepté la maladie et ses conséquences, j’ai accepté aussi de donner le bras et d’accompagner. Ça fait partie de la vie de couple. Quand il y en a un qui ne va pas bien, il faut que l’autre soit assez fort pour le soutenir. Et le faire de bon cœur. Aujourd’hui, j’ai plus l’impression d’être l’aidant ou l’assistant permanent que le mari, ou alors le mari des temps difficiles.

Mais la maladie nous a rapprochés. On avait des projets de voyage. On a fait une croix dessus. Je me suis dit que pendant très longtemps, je travaillais plus de huit heures par jour et je ne vivais pas vraiment avec ma femme. Maintenant, on peut enfin vivre cette vie commune. Les rapports se sont déplacés. »

Evelyne

Évelyne est la mère de Nicolas, 28 ans, porteur depuis sa naissance d’un spina-bifida.

« Toutes ces heures passées dans des salles d’hôpital, voire de réanimation, où, en tant que maman, j’étais impuissante et où la seule chose que je pouvais faire était de lui tenir la main en lui disant « Ne t’en va pas » créent des liens complètement invisibles, qui dérangent parfois notre entourage. Ça peut même être assez cocasse parfois et on en rit. Devant un obstacle infranchissable avec le fauteuil, je lui dis : « Lève-toi et marche. » Ou alors il me dit : « Maman, il faudrait rouler un peu plus vite, tu n’avances pas. » Ce n’est pas un lien de dépendance. Je tiens à ce qu’il y ait de l’échange, du donnant-donnant. »

Caroline et Nathalie

Depuis qu’elles ont appris que leur père et leur mère étaient respectivement atteints des maladies de Parkinson et d’Alzheimer, les deux soeurs conjuguent leurs efforts pour s’occuper de leurs parents.

« Ça nous rend parfois tolérantes et disponibles pour des choses où on l’aurait été moins. Pas uniquement dans notre famille. J’ai une collègue dont le père vient de mourir et dont la maman est malade. Je prends du temps pour parler avec elle. Peut être qu’il y a une époque où j’aurais été moins attentive. »

Odile

Odile est la mère de Victor, 21 ans, autiste non verbal.

« C’est pour cela peut-être que je ne me considère pas comme aidante. Parce que n’importe quelle personne qui apprendrait à Victor certains gestes, ou l’aiderait à acquérir plus d’autonomie, peut se considérer comme aidant. Alors que moi, je me sens davantage dans mon rôle de mère. La mère d’un éternel bébé qui n’aura jamais fini d’apprendre. Mais je ne pensais pas avoir à m’investir comme je l’ai fait. Je ne le regrette pas, car je ne suis pas sûre que je me serais épanouie dans une activité professionnelle. Là, au contraire, j’ai vraiment eu l’impression d’être utile et d’avoir développé des choses incroyables, par exemple autour de la musique. »

Marie-Thérèse

Au cours de sa vie, Marie-Thérèse a été aidante familiale à plusieurs reprises, que ce soit pour sa belle-mère ou de sa propre mère. Désormais, elle est membre d’une association offrant un soutien téléphonique aux aidants en difficulté.

« Certaines personnes cherchent des réponses pratiques, mais la plupart ont surtout besoin de dire qu’elles sont débordées, découragées, qu’elles n’en peuvent plus. Au début, je me demandais avec un peu d’inquiétude comment prêter une assistance juste dans un échange téléphonique. Mais je me suis vite rendu compte des avantages que cela offrait. On ne se connaît pas, on ne se voit pas, on est libre de tout regard et on peut parler en toute sincérité. C’est donc la voix, le ton, la simplicité de l’accueil qui vont établir le contact et donner sa tonalité à l’échange. »

L’auteure

Blandine Bricka anime depuis 2010 des ateliers d’écriture créative et forme aux écrits professionnels. Elle est également l’auteure de L’Art d’être différent. Histoires de handicaps (Érès, 2015), qui a obtenu le prix Handi-Livres 2015 dans la catégorie biographie.

Grâce à cet ouvrage, la Macif espère faire entendre la voix des aidants dans toutes leurs diversités, contribuer à sensibiliser le grand public et lutter contre les idées reçues.