Décryptage – Aidants et maladies mentales

Décryptage – Aidants et maladies mentales

Troubles psychiques : le poids de l’omerta

Schizophrénie, troubles bipolaires, dépression, autisme… : 12 millions de Français vivent avec des troubles psychiques et 4,5 millions d’aidants les accompagnent au quotidien selon l’Unafam. Pourtant, les préjugés entourant ces maladies ont encore profondément ancrés. Entre des diagnostics tardifs et des parcours de soin semés d’embûches, les conséquences sont lourdes pour les malades et leurs aidants.

Des stigmates qui ont la vie dure

Les troubles et pathologies psychiques affectent une personne sur trois si l’on se réfère à leur prévalence au cours d’une vie. Bien que répandus, ils sont encore entourés de nombreux stéréotypes négatifs. Dans l’imaginaire collectif, ils sont synonymes de comportements agressifs, imprévisibles ou dangereux. Ainsi, 63 % des aidants témoignent de l’incompréhension et de la peur de leur entourage face aux maladies mentales. Le cas de la schizophrénie est flagrant : 83 % des Français considèrent cette maladie comme dangereuse, alors que seuls 10 % des psychiatres partagent ce constat. Et les préjugés sont particulièrement forts chez les 15-25 ans, qui sont plus de la moitié à penser que les personnes atteintes de maladies mentales sont dangereuses pour les autres. Un constat alarmant sachant que dans plus de 70 % des cas, les premiers signes de ces pathologies apparaissent… entre 15 et 25 ans.

L’impact des mots dans les médias

Renforcés par la méconnaissance des maladies mentales, ces stéréotypes s’incarnent au quotidien dans le détournement du vocabulaire de la psychiatrie. Qui n’a pas entendu dire, à tort et à travers, « c’est un fou », « il est autiste », « elle est schizo »… ? Ces abus de langage peuvent amener les patients à intérioriser les stigmates, qui s’étendent jusqu’à leur entourage, laissant à penser qu’ils possèdent une part de responsabilité dans la maladie. Pour ne rien arranger, les préjugés sont encore renforcés par les médias qui dépeignent un portrait souvent sensationnaliste des maladies mentales. Selon une étude de L’ObsCo, 6 articles de presse généraliste sur 10 emploient le terme schizophrénie pour désigner autre chose que la pathologie. De leur côté, 64 % des aidants pensent que la maladie de leur proche est représentée de façon stigmatisante et anxiogène dans les médias.

Des parcours de vie émaillés d’épreuves

Cette stigmatisation a de nombreux impacts négatifs sur la vie des personnes atteintes de troubles psychiques et leurs aidants. Selon l’Unafam, 58 % des familles taisent complètement la maladie de leur proche ou éprouvent des difficultés à en parler, ce qui peut retarder le diagnostic. Pour près d’1 personne sur 2, ce diagnostic a pris plus de 2 ans, laissant le malade et son entourage démunis pendant une longue période. Une fois la pathologie identifiée, les familles se retrouvent souvent très seules dans leur parcours de vie et de soin. 79 % des aidants estiment que leur proche et eux ne sont pas suffisamment accompagnés et 84 % dénoncent l’absence de dispositifs d’aide pour leur proche. Parce qu’ils atteignent l’estime de soi, les préjugés peuvent également aggraver des troubles psychiques déjà synonymes de grande souffrance. À titre d’exemple, le premier défi exprimé par les personnes atteintes de schizophrénie est de se faire des amis.

« C’était un parcours haché de mille ruptures (…) La maladie de notre fils a fait qu’on s’est beaucoup replié, on avait tendance à se recroqueviller sur nous-même », Françoise, mère d’un fils souffrant de schizophrénie.

Quand les préjugés empiètent sur les droits

Enfin, les stéréotypes viennent freiner l’accès des personnes à leurs droits. Trouver et conserver un emploi ou un logement deviennent des parcours du combattant pour ces personnes souvent confrontés à la discrimination, aggravant leur précarité matérielle et sociale. Bien que certaines pathologies psychiques ouvrent le droit au statut de handicap et à des aides, les ayant droit sont très peu à en bénéficier. Seuls 7 % des aidants déclarent que leur proche en situation de handicap psychique reçoit la Prestation de Compensation du Handicap.

Déstigmatiser pour avancer

De nombreuses voix dans les milieux associatifs, de la recherche et jusqu’à l’OMS s’élèvent pour lutter contre la stigmatisation des personnes atteintes de psychopathologies et mieux informer la population sur ces troubles. Selon ces acteurs, la déstigmatisation des maladies psychiatriques doit être au cœur des stratégies de prévention avec de nombreux effets positifs à la clé : renforcer la confiance dans la psychiatrie des personnes en souffrance, donc favoriser un dépistage plus précoce et une meilleure prise en charge médicale, améliorer la qualité de vie des personnes et donc leurs possibilités de rémission.

SOURCES