Conduire et vieillir : est-ce compatible ?

Conduire et vieillir : est-ce compatible ?

D’ici à 2050, 1 Français sur 4 aura plus de 65 ans. La conduite des personnes âgées est un véritable enjeu sociétal qui, au-delà de la question de mobilité, touche à l’autonomie de cette population.


En France, selon l’ONISR (Observatoire national interministériel de la sécurité routière) 51 % des seniors utilisent la voiture en priorité pour se déplacer. Autre donnée intéressante, leur temps de déplacement quotidien a augmenté de 8 minutes entre 2008 et 2019. La voiture est donc un outil privilégié pour cette tranche de la population en quête d’autonomie, de liberté et d’indépendance. Mais parfois, faute d’interdiction, le permis de conduire à vie est aussi remis en question.

Sa vie a basculé en 2018, lorsqu’ à 27 ans (à l’époque des faits) Pauline Déroulède a été fauchée depuis le trottoir où elle attendait son amie, par un automobiliste nonagénaire. Ce dernier avait alors confondu la pédale de frein avec celle de l’accélérateur. A l’issue de cet accident, la jeune femme a dû être amputée de sa jambe gauche. Depuis, cette championne de tennis fauteuil milite contre le permis de conduire à vie. Elle désire qu’il y ait davantage de contrôles via une visite médicale puis un test en situation réelle (si avis défavorable) avec un formateur agréé dans une auto-école pour valider ou invalider cette décision.


Une vigilance et une acuité visuelle en baisse


A partir d’un certain âge, des tests d’aptitudes à la conduite sont mis en œuvre ailleurs comme en Grèce, en République Tchèque, en Espagne, en Belgique. Pourtant la France, l’Allemagne et la Pologne sont les derniers pays européens à ne pas tester l’aptitude des séniors. Il n’est pas toujours aisé de se rendre compte qu’un proche vieillissant rencontre des difficultés dans la conduite. Et il est encore plus délicat de lui notifier qu’il est un danger public sur la route et que sa conduite est à revoir. Plus on vieillit, plus les capacités physiques et cognitives du corps décroissent ce qui parfois peut rendre l’acte de conduire dangereux. Par exemple, une baisse des performances visuelles est observée, notamment une réduction du champ visuel périphérique de 20 à 30°.
Toutefois, la conduite est un précieux atout pour maintenir sa mobilité et donc son autonomie. Ce l’est encore plus dans les zones rurales où l’offre de transports en commun est moins conséquente que dans les grandes villes.

INTERVIEW de Sarah Longé est médecin généraliste et gériatre formée et exerçant entre Paris et La Rochelle

« Le médecin généraliste est en quelque sorte un lanceur d’alerte »

A partir de quand est-on considéré comme une personne âgée ?


D’un point de vue strictement médical dans les centres hospitaliers, la gériatrie prend en charge les gens à partir de 75 ans en moyenne. Mais ce n’est qu’une moyenne car en réalité on peut avoir 80 ans être grabataire en fauteuil roulant et avoir de nombreuses pathologies. On est alors considéré comme une personne fragile. Ou alors on peut avoir 80 ans et jouer au tennis, faire des voyages, ne pas prendre de médicaments, ne pas présenter de pathologies ou alors un nombre faible de pathologies, on parlera dans ce cas là d’une personne robuste.


Quel est le rôle du médecin généraliste ?


Le rôle du médecin généraliste est de savoir ce qu’il peut mettre en place en termes de prévention. Il peut inciter le patient à réaliser des examens plus poussés et/ ou de rencontrer un médecin agrée qui se prononcera sur l’aptitude médicale à la conduite. Le médecin généraliste est en quelque sorte un lanceur d’alerte qui va proposer des solutions et orienter au mieux, quand il est en possession de l’information. Nous ne sommes pas toujours au courant des stages qui existent à destination des personnes âgées.
Une personne qui fait un Accident vasculaire cérébral (AVC), qui est hémiplégique ou qui ne voit que d’un seul côté, s’il/elle veut conduire, rien ne l’en empêche. Il n’y a rien pour l’interdire c’est vraiment un sujet compliqué.


Quels tests d’autoévaluation peuvent faire les personnes âgées pour savoir si elles sont aptes ou non à la conduite ?


Les personnes âgées ne peuvent pas trop se rendre compte d’eux-mêmes de leur défaillance physique ou cognitive. C’est le rôle de l’entourage de les alerter là-dessus. Il faut en parler au médecin généraliste pour qu’il puisse faire des tests auprès d’autres spécialistes.

LE COIN DES IDEES

Pour que les personnes âgées conservent leur mobilité le plus longtemps possible et dans de bonnes conditions, un peu partout sur le territoire, des initiatives fleurissent.

  • Un site pour s’autoévaluer

mobisenior.fr a vu le jour en 2020 sous l’impulsion de l’Automobile club association et le soutien de la délégation à la Sécurité routière. L’idée de ce site étant qu’en quelques clics, les séniors puissent trouver toutes les ressources pour préserver leur mobilité le plus longtemps possible. Test confidentiels pour évaluer ses capacités cognitives et des situations de conduites, ateliers, conseils, tout y est pour prendre du recul et adapter sa mobilité à ses besoins.

  • Du covoiturage en mode solidaire

atchoum est un site de covoiturage qui offre aux collectivités une solution clés en mains pour pallier le manque de transports. Ce service permet, entre autres, aux personnes âgées, de conserver leur mobilité via un centre d’appels qui organise les covoiturages.

  • Stimuler les fonctions cognitives


L’association Brain Up mène des actions de prévention sur différents thèmes et elle s’est intéressée au « bien vieillir ». Elle a donc développé un programme autour de la sérénité au volant qui vise à sensibiliser les personnes de plus de 75 ans sur la conduite. Au programme : savoir gérer une situation de stress au volant (utiliser un rond-point, tourner à gauche), la prise de médicaments et la conduite, comment entraîner ses capacités physiques pour une meilleure conduite, etc.

Autrice : Julia Tourneur

Crédit photo : Image de Freepik